Yves Piaget
Photo: Eddy Mottaz |
Yves Piaget est tombé amoureux des chevaux dès sa plus tendre enfance dans la ferme familiale du Jura neuchâtelois. «On n'avait qu'un cheval de trait mais c'était quand même mon animal préféré», confie-t-il. Il doit pourtant attendre la fin de ses études pour commencer à monter. A 26 ans, il s'achète sa propre monture: un cheval de balade qui se révèle doué pour le saut. Yves Piaget se trouve trop vieux pour la compétition et confie donc le cheval à une cavalière. Commence une longue carrière de compétition... par procuration.
«J'ai commencé avec mon amie qui a monté mes chevaux en concours entre 1970 et 1990, raconte Yves Piaget. Je conduisais moi-même le camion pour aller en concours et je faisais le palefrenier. Nous partions souvent en Suisse alémanique du vendredi soir au dimanche soir, c'était une épopée fabuleuse.» Mais sa cavalière préférée reste sa fille, qui a remporté il y a une dizaine d'années le championnat suisse en catégorie jeune cavalier.
Yves Piaget ne s'est pas contenté de regarder ses chevaux sauter mais s'est investi dans bien des domaines de l'équitation. Vice-président de la Fédération suisse des sports équestres, président durant de nombreuses années du Concours international de Genève, mécène de l'Institut équestre national d'Avenches, il a même contribué à créer le circuit des promotions suisses, destiné à mettre en valeur les jeunes chevaux du pays. Son rôle de mécène est alimenté par une passion du cheval mais aussi par un certain sens du devoir: «Je considère que nous avons tous un rôle bien précis à jouer socialement, cela fait partie de ma philosophie d'honorer ma responsabilité envers les autres.» Le soutien des cavaliers lui permet également de soutenir certaines valeurs tout en gardant un pied dans le monde équestre.
«La compétition exige de n'importe quel athlète qu'il progresse, qu'il ait un but, explique Yves Piaget. Personnellement, j'ai toujours été un challenger. C'est une valeur qui m'est forte et je la défends en soutenant des jeunes cavaliers qui n'ont pas forcément les moyens de pratiquer ce sport à un certain niveau.» Si l'horloger a un certain sens moral, il exige qu'il en soit de même pour ses pupilles. Pas question de venir en aide à un fainéant, fût-il un génie. Les qualités qu'il attend de ses cavaliers sont le goût du travail et la modestie. «Steve est un gars qui mérite», répète-t-il à l'envi en évoquant son jeune protégé. «Il ne faut pas dire que c'est un dieu parce que ça va lui monter à la tête, mais celui dont on dit qu'il mérite, il va vouloir être à la hauteur et ça va devenir une motivation.»
Un côté paternaliste pour ce mécène qui se défend cependant d'intervenir dans la carrière sportive de Steve Guerdat. D'ailleurs c'est simple, ses quatre chevaux, il les a achetés sans même les avoir regardés. Pire, Jalisca Solier, la bondissante jument avec laquelle Steve Guerdat a remporté cet hiver deux manches de la Coupe du monde, il ne l'a jamais vue sauter. «Je ne serai jamais celui qui reste derrière les cordes à faire le grand propriétaire», explique Yves Piaget.
S'il n'intervient pas, il suit avec passion la carrière du jeune Jurassien. Mais le président de Piaget assure ne pas lui mettre de pression: «Je dois dire que mes rapports avec Steve sont d'une telle qualité que je ne me préoccupe pas du tout d'un mauvais résultat. L'essentiel pour moi est une échéance qui va au-delà d'une compétition: sa carrière.» Un discours qui ne l'empêche pas d'atteindre des sommets d'adrénaline quand son cheval est en piste. Lors de la finale de la Coupe du monde à Las Vegas, Yves Piaget, hypertendu, levait la jambe à chaque fois que Trésor et son cavalier arrivaient sur un obstacle. «C'était vraiment terrible, commente-t-il. J'avais les tripes nouées.»