Reportage: Raffi Kouyoumdjian |
A Valkenswaard, dans le sud des Pays-Bas dans l’écurie la plus réputée de la planète
Le cavalier jurassien Steve Guerdat s’épanouit dans le grand luxe batave.
De retour de Valkenswaard. Raffi kouyoumdjian 29.06.2003 sources photos: RK
A la lisière d’une interminable forêt brabançonne, sous le soleil éclatant de ce coquet coin de pays néerlandais, on peine à trouver le chemin de l’écurie de Jan Tops. Ici, dans le sud du pays, à quelque quinze kilomètres d’Eindhoven, on semble jouer la carte de la discrétion. La vraie carte postale hollandaise. Les gens du pays préfèrent sans conteste enfourcher leur vélo. De luxueuses et proprettes étendues se présentent tout à coup à nous. Un imposant portail et des haies taillées au millimètre accueillent les rares visiteurs. Steve Guerdat nous reçoit dans sa nouvelle demeure. Le cavalier jurassien, entouré par deux employés à ses petits soins, boucle sa journée par quelques obstacles avec Socrates, « le cheval que tout le monde attend, que tout cavalier rêve de monter », précise-t-il. Depuis le 1er novembre, le jeune homme de Basse court a intégré la propriété de Jan Tops, ancien champion olympique. Son domaine est ce qui se fait de mieux sur la planète. A 21 ans, le Jurassien est employé de la grande maison. En réalité, il est le seul avec le maître des lieux à concourir dans des épreuves officielles. Oui, il a bel et bien décroché le gros lot.
Steve Guerdat, comment passe-t-on de Bassecourt à Valkenswaard et un cadre aussi luxueux ? –Cela n’a pas forcément été facile, parce que je suis le plus jeune ici et que j’ai remplacé un des meilleurs cavaliers du monde, le Suédois Rolf-Goran Bengtson. Au début, je me suis senti un peu petit, mais on s’est occupé de moi à 200%
Ces huit premiers mois ont été intenses pour vous, seul à 700 kilomètres de vos proches, avec des concours qui se multiplient également aux quatre coins du continent
-Je n’ai plus revu le Jura depuis le 1er novembre. Je n’ai pas eu de répit depuis mon arrivée à Valkenswaard. De toute façon, l’équitation est la seule chose que j’aime. Je n’ai pas de copains, de copines, je ne sors pas, je ne vais pas au ciné, je n’aime pas boire. Quand je ne suis pas en concours, je ne sors pas même des écuries. Mis à part mes deux heures de fitness quotidiennes à Eindhoven, je ne fais que « ça ». Mais « ça », c’est ce que j’aime.
Finalement, on a l’impression que vous avez quitté votre cocon familial de Bassecourt pour vous retrouver dans un environnement tout aussi protecteur en Hollande !
– Ici, c’est le paradis. Ce que vous avez vu, vous ne le verrez nulle part ailleurs. L’encadrement, les manèges chauffés, les pelouses drainées. Et les chevaux. Les meilleurs chevaux de la planète. Jan Tops est un grand monsieur. Tout ce qu’il fait pour moi est fantastique. Je croyais qu’il n’y avait qu’un père qui pouvait agir de la sorte.
Justement, jusqu’à l’année passée, c’est votre père, Philippe, qui s’occupait de votre destinée…
- Je sais que cela n’a pas été facile pour lui après tous les sacrifices qu’il a consentis à mon égard durant vingt ans. Mon père m’a soutenu, il est content de ce qui m’arrive. Nos liens sont très forts. On se voit moins, il me manque parfois.
Comment expliquez-vous que Jan Tops, star du milieu hippique, s’intéresse à vous ? – Franchement ? Je n’ai pas envie de le savoir. Je ne le lui ai jamais demandé. Je crois que j’ai peur d’entendre sa réponse !
Les autres cavaliers doivent se montrer jaloux… - Et alors ? On m’a appris que plus les autres se montraient jaloux, plus on agissait juste. Quand l’on n’intéresse plus personne, c’est que l’on fait faux. Et je vais vous dire que j’aime bien que l’on parle de moi.
Dans le petit monde des cavaliers, le fait qu’un petit Suisse de 21 ans obtienne une place tant convoitée doit faire grincer des dents.
– C’est dur parfois, parce que je sens de la mesquinerie, de la méchanceté derrière mon dos. Mais j’ai la chance d’avoir une équipe qui me soutient. Elle me renforce. Peu de choses peuvent me toucher.
On le voit à travers vos derniers résultats. Depuis deux mois, vous explosez. Valkenswaard, c’est un vrai tournant dans votre carrière.
– Quand je vois tout ce qu’il faut faire pour arriver au top, je comprends que les chances d’y arriver à Bassecourt étaient de zéro virgule zéro zéro. .Je n’avais pas le matériel, je ne pouvais pas m’épanouir. A Saint-Gall, à Cannes, à Aix-la-Chapelle dernièrement, j’ai été proche de quelque chose d’encore plus grand. Je m’en rapproche. Je l’ai au bout du nez.
Votre contrat dans ce paradis pour cavaliers est renouvelable d’année en année… - ‘en ai la possibilité, je souhaite passer toute ma carrière ici. Il y a tout ce qu’il faut pour que je m’épanouisse.
« Je souhaite devenir le meilleur cavalier »
Depuis qu’il a rejoint Jan Tops et le groupe VDL, Steve Guerdat ne fait que d’enregistrer des résultats de tout premier ordre. Ses bons classements à Cannes, Saint-Gall et Aix-la-Chapelle vont sans doute le propulser fin août aux championnats d’Europe en Allemagne. « Il est évident que tout s’accélère pour moi. Par rapport aux autres suisses, même si je n’ai pas leur expérience, j’ai la chance de posséder cinq chevaux capables de bien se comporter en Grand Prix ». Un autre grand rendez-vous se profile à l’horizon hippique. « Oui, je rêve de Jeux olympiques à Athènes, mais ce n’est pas encore à l’ordre du jour ». Steve Guerdat est jeune. A 21 ans, il lui est encore permis de rêver. « Je donne ce que je ressens. Je me battrai toujours à 100%. Je n’ai qu’un seul objectif, celui d’être le meilleur. Je rêve de faire ce que réalise Ludger Beerbaum, le numéro un mondial. Mais la route est longue, je le sais. » Ce week-end, Steve Guerdat concourt à Metz. Neuendorf, et Achenburg et trois semaines de compétition à Valkenswaard sont au programme durant ces prochaines semaines. On sent un gros succès du Vadais. C’est la tendance de l’été. (rk)
Le must des écuries mondiales
Les écuries de Jan Tops à Valkenswaard se sont taillé une réputation internationale dans le commerce des chevaux. Le cavalier hollandais emploie une trentaine de personnes pour autant de chevaux « en pension ». c’est le must, le top du « Tops ». « Deux personnes sillonnent le monde à la recherche des meilleurs chevaux. On les garde six mois à deux ans, on travaille beaucoup sur le dressage. Ensuite, on les revend avec une qualité irréprochable », explique Steve Guerdat. Lors des derniers mondiaux équestres, seize chevaux présents à Jerez venaient du négoce de Jan Tops. « Chaque week-end, un ou deux Grands Prix sont remportés par d’anciens pensionnaires de Valkenswaard. C’est vraiment l’écurie numéro un. » ce changement de cap a eu pour conséquence première le renouvellement total des chevaux à disposition du Jurassien. A Valkenswaard, le Vadais monte des chevaux de classe mondiale. Le temps des Lord Farei et autres Mecano est révolu. Cinq montures sont à sa disposition, dont trois devraient lui rester fidèles un bon bout de temps. Isovlas Lataro, Isovlas Socrates et Isovlas Orchidée sont ses meilleurs atouts pour les concours à venir. « Lataro doit me permettre de m’amener le plus vite possible au top. Socrates n’a que 8 ans, c’est un cheval d’exception. On va en entendre parler d’ici une année. Enfin, Orchidée est une jeune jument, c’est l’espoir. » Innovation (13 ans) et Coolman (10 ans) complètent le quintette gagnant de Steve Guerdat. (rk)